Bernard Aymable DupuyToulouse, le 28 juillet 1707 - Toulouse, le 30 décembre 1789 |
Bernard Aymable Dupuy : Musicien et Maçon au siècle des lumièresJ’aime bien fouiner chez les disquaires d’occasion. Non pas que l’on y fasse de bonnes affaires – non – les occasions se payent pratiquement le prix du neuf, mais, on y rencontre des disques rares, volontiers bizarres, d’auteurs quasiment inconnus qui ont effrayé leurs premiers propriétaires, au point qu’ils s’en soient débarrassés au plus vite. C’est dans ce créneau improbable de disques interlopes, que j’aime faire mon marché. Tel l’orpailleur il faut faire plusieurs batées avant de trouver la paillette attendue. Lesquelles sont alors ramenées en un endroit propice pour être écoutées ! A ce stade les déceptions sont nombreuses. Mais le collectionneur (malade mental en puissance ) ne ce décourage jamais. Cette quête je l’ai fait très souvent au point qu’il est rare que je me souvienne des circonstances exactes de mes trouvailles. Et pourtant…et pourtant je me souviens parfaitement de celle que j’ai fais en la personne de Bernard-Aymable Dupuy. Pensez donc : un musicien de la fin du XVIIIéme, période si estimable pour les arts, et surtout un toulousain au patronyme bien connu, même si habituellement il évoque le militaire d’empire que notre ville honore d’une place. Bref j’ai eu la sensation immédiate d’avoir mis la main sur La pépite.L’écoute non seulement ne me déçue pas mais renforça mon intérêt pour cet auteur. Dans la période pré-révolutionnaire, quelques loges avaient eu des attaches très fortes avec la chapelle de St.-Sernin. Au point que certains musiciens du chapitre étaient maçons et que des agapes avaient été organisées dans l’enceinte de la basilique. Nous nous promîmes de pousser plus avant nos recherches. L’actualité discographique a relancé mon intérêt sur cet auteur ; coup sur coup deux autres disques venaient de sortir portant à trois sa discographie (Dalayrac n’en a aucun !) se qui le hisser à la hauteur de la popularité de Gossec. Ces deux auteurs ne sont pas cité ici par hasards ou simplement comme contemporain de notre ami, non, ils ont un rôle plus important qu’il n’y paraît. En effet une des courtes notices qui accompagnent un des disques nous apprend l’amitié et les rapports étroits qui semble les unir. Pour Dalayrac cela pourrait ce concevoir car il est de la région. Né à Muret il monte rapidement à Paris où il fera carrière, il reviendra quelque rare fois à Toulouse. On peut remarquer la différence d’age entre les deux compositeurs : 46ans ! Cette différence est moins nette pour Gossec : 27ans. Mais Gossec est d’origine belge les rapports semble difficilement explicable par la géographie. Or Dalyrac et Gossec étaient maçon. J’ai acquis dès ce moment la conviction que Dupuy l’était aussi. Dans les documents fondateurs de la loge St Joseph des Arts figurent les noms et qualités des 17 membres fondateurs et le patronyme de Bernard-Aymable Dupuy, Maître de Chapelle à St.-Sernin, y figurent bien. La vie de Dupuy illustre de façon exemplaire, la transition de la société de l’ancien régime vers la révolution. Il est également emblématique de la place de la métropole toulousaine dans ce changement. Avec Dupuy c’est l’avènement et l’émancipation d’une petite bourgeoisie de la fin du XVIIIéme, au travers des arts, et surtout des idées nouvelles incarnées par les encyclopédistes et la Franc-maçonnerie. Nous verrons toutefois qu’à la veille de la révolution le poids du clergé est encore exorbitant avec, comme corollaire, l’arbitraire qui s’y attache et qui sera pour notre compositeur une plaie perpétuelle. La place de Toulouse à l’époqueLa musique à Toulouse reste discrète, Campra, et Dalyrac n’ont fait que passer via Paris, Fauré et Séverac ne sont pas annoncés. Seule compte la musique religieuse avec deux pôles de fixation non antinomiques qui sont les chapelles de la cathédrale St.-Etienne et celle de la basilique St.-Sernin. Les deux chapelles unissant leur effectif dans les grandes fêtes. Les Toulousains de l’époque semblent avoir été sensible à cette vie musicale, en témoigne leur assiduité aux grandes occasions. Non seulement des musiciens extérieurs, pour la plus part membres d’autres chapelles provinciales, venaient régulièrement « visiter » leurs homologues toulousains, mais la relative mobilité des exécutants assurait également une diffusion des œuvres originales. Dans le cas de Dupuy c’est cette voie qui nous a permis de le connaître grâce au manuscrit dit recueil Marcorelles (conservé par la société des Lettres, Sciences et Arts de l’Aveyron). Seules quelques dizaines œuvres de ce compositeur nous sont jusqu’ici parvenue grâce à ce manuscrit signé « Dupuy Maître de Chapelle à St.-Bertrand de Comminge». Il faut remarquer que ces œuvres nous sont parvenues sous une forme condensée, à savoir sans les parties instrumentales qui doivent être « interprétées » au moment. Ce trait est relativement fréquent à une époque où les copies étaient manuelles et coûtaient cher en temps et en numéraire. Et où les formations instrumentales variaient beaucoup en qualité et effectif suivant les place et les disponibilités du moment. Biographie Bernard-Amyble Dupuy est né à Toulouse le 28 juillet 1707, sous Louis XIV. Cette année là Bach convole en juste noce (pour la première fois), Madame Elisabeth Jacquet de la Guerre publie un livre de clavecin, et meurent Nicolas Gigault et Dietrich Buxtehude compositeurs et organistes légèrement oubliés… En date du 14 novembre 1738 : « M[aître] Chevalier et M[aître] Duypuy qui avoient esté enfermé pour composer un motet pour le concours de la Maîtrise ayant composé et mis en musique led[it] Motet dont ils ont remis les partitions prient la Compagnie de déterminer le jour qu’elle voudra entendre lesd[it] Motets ; sur quoy… il a été délibéré que l’on faira la répétition dud[it] Motet ce jourd’huy après Complies et l’exécution demain samedy après None ; il a esté a meme tems deliberé de convoquer un Chap[it]re Ostiatin pour le meme jour après Complies pour nomme a lad[ite] Place de Maistre celluy qui se trouve le plus capable de remplir lad[ite]Charge. » A cette occasion Dupuy avait composé le Motet Exurge domine dont nous avons la partition grâce au recueil de Marcorelles et qui bénéficie d’une discographie. Il semble que ces célébrations aient eu un grand retentissement grâce à l’ordre des avocats qui était l’organisateur. « L’ordre de MM. les Avocats dit célébré lundy 19 may la fête de St Yves… M ; Dupui, Maître de musique de St Sernin, si célèbre par son génie et par son goût, fit exécuter le matin un Motet de sa composition, qui commence ‘Exurgat Deus et dissipentur inimici ejus’ et le soir un autre Motet qui commence ‘Quare fremurunt gentes’, le public les a admiré tous deux. Les vrais connaisseurs ont préféré celui du matin, dont le début faisoit honneur aux pus grands maîtres. Rien ne prouve mieux la beauté de la Musique de M. Dupui que de la voir toujours critiquée et toujours plus courue. » Son œuvreCes biographes (entre autre Geneviève Verdier) assurent qu’il fit preuve alors d’autorité et d’indépendances et a jouie à Toulouse d’une bonne réputation. A la lumière de notre récente découverte ses qualités ne nous étonnent pas. De son vivant sa musique fut jouée non seulement par ces soins à Toulouse, St.-Bertrand de Comminges et Cahors mais aussi à Marseille (en 1760 et 1761) et Paris au concert spirituel (2 mai 1751) on connaît la coloration maçonnique de cet ensemble. Il semble logique de penser qu’en, pratiquement, 60ans de carrière sa production a été considérable. Seule une soixantaine d’œuvres nous sont partiellement connue. Soit qu’elles aient été citées, sans que nous en ayons, de trace soit que les manuscrits (souvent incomplets) nous soient parvenus. Son œuvre reste attaché à la nécessité du quotidien, et se sont les ecclésiastiques qui tiennent les cordons de la bourse. Il composera pour les jésuites (deux idylles et une cantate) mais aussi pour les Pénitents bleus. Cette secte très influente à Toulouse était basée à l’église St.- Jérome, connue encore aujourd’hui pour son carillon. Nous avons aussi quelques rares œuvres profanes (6 nous sont parvenues) un ballet, une idylle et un divertissement pour la guérison de Louis XV écrite en 1745. Cette œuvre nous intéresse particulièrement car en date du 10 septembre 1744, la loge St Jean Française décide de faire un feu d’artifice, et un bal, pour « fêter la convalescence du Roy notre Maître, ses victoires et ces triomphes ». La fête aura lieu le 25 septembre de cette même année. L’essentiel de sa production est dont constitué par de la musique religieuse à savoir : neuf Noëls (six nous sont parvenus), deux idylles (une perdue), deux messes (une perdue), une trentaine de motets, cinq magnificat, des antiennes, un hymne et des psaumes. Au siècle suivant il n’est pas totalement oublié des toulousains car la biographie toulousaine ou dictionnaire historique paru en 1823 lui consacre une notice biographique ; « Dupuy (N.) maître de musique du chapitre abbatial de Saint Saturnin , a composé plusieurs pièces qui annoncent un grand tallent. Admirateur de la musique italienne, il fut le premier à faire entendre dans les églises de Toulouse, les chants harmonieux empruntés aux maîtres célèbres qui de son temps florissaient au-delà des monts. On a de lui une messe, quelques oratorios, et des motets que l’on exécute encore quelquefois : il mourut le 1789. Le célèbre Dalayrac et Gossec eurent beaucoup d’estime pour M. Dupuy et lorsque le premier reçut au théâtre de Toulouse, la couronne de lauriers qui lui fut offerte par les musiciens et jeune gens de la ville, il manifesta le regret de ne pas voir M. Dupuy assister au triomphe que l’admiration et l’enthousiasme décernaient au chantre de Nina ». De fait Dupuy verra ces œuvres éditer à partir de … 2002 par la collection musique en Midi-Pyrénées des cahiers de musique du centre de musique Baroque de Versailles. Sa musiqueNotre compositeur innove autant qu’il le peut dans le carcan de la musique religieuse, qui plus est de province. Il est classique de dire qu’il s’inscrit dans la continuité de la Musique de Delalande pour les motets. Comparaison qui est également celle qui est faite pour Mondonville. Il est particulièrement intéressant de comparé les trajectoires de ces deux musiciens. Mondonville naît à Narbonne mais n’essaie pas de s’y épanouir ; il monte à Paris directement. Que serrait devenu Dupuy s’il avait abandonné sa province au profit des lambris dorée de la capitale ? Quoi qu’il en soit leur musique est très porche, même s’ils n’ont pas eu probablement de contact nous assistons à une évolution parallèle typique. La conclusion, le partage entre l ‘émotion et la trivialité. L’émotion d’abord d’avoir vécu un été sur les traces de notre aîné. La trivialité, car si le cas de Dupuy vous a ému vous pouvez continuer à le faire vivre en vous procurant sa musique (non en la copiant). Si Dupuy se vend bien nous pouvons espérer que d’autres œuvres seront exhumées et éditées… texte de Didier Descouens (email) DiscograhieNoel « Au milieu de la nuit » 1. Ouverture Motet à 5 voix « Cantate domino canticum novum » 1. Air de soprano et grand chœur Motet à 4 voix et simphonie 1. Air de soprano Psaume « Domine Dominus Noster »1. Domine Dominus Noster (Chœur à 5 voix) Ensemble Viva Voce Messe Kyrie eleyson Gloria inexcelsis deo Credo Sanctus Agnus dei Motet Exurge domine 1. Exurge domine (Trio de dessus ténor et basse) |
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Ouvres
de Bernard Aymable Dupuy
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