Gioachino Rossini
(1792-1868)
Robert Bruce
Opéra en trois actes de
Livret de
Alphonse Royer et Gustave Vaëz
Personaggi
Robert Bruce (basse) roi d’Écosse
Édouard II (ténor) roi d’Angleterre
Douglas-le-noir (basse) lord et comte écossais
Arthur (ténor) officier au service d’Édouard
Morton (basse) capitaine anglaise
Dickson (basse) montagnard du comte de Stirling
Marie (mezzo-soprano) fille de Douglas
Nelly (soprano) fille de Dickson
Un page du roi d’Angleterre (voix blanche)
Chevalier, pages et soldats anglais, dames de la cour d’Angleterre, bardes écossais, chevaliers et soldats du parti de Bruce,
jeunes filles écossaises, zingari et joungleurs
La scène est en Écosse, aux environs de la ville de Stirling (1314).
Atto Primo
Site pittoresque. Des rochers. Un lac. Une chaumière. Au fond, dans le lontain, le château de Douglas.
Scène première
Le jour commence à poindre. Des soldats blessés et des montagnards, dernier débris de l’armée écossaise, sont groupés ça et là;
ils attend en silence, et regardent au loin avec anxiété. Roberto Bruce paraît sur un sentier éléve, dans les rochers.
Les Écossais, l’apercevant, s’écrient avec joie:
Les Écoissais
(allant au-devant de Bruce, qui a descendu le chemin pratiqué dans les rochers)
Robert! Robert! – mille angoisses mortelles
Déjà nous avaient assaillis,
Enfin, nous voilà réunis!
Bruce
De notre Écosse amis fidèles,
Demain vos maux seront finis.
Les Écoissais
(avec découragement)
Hélas! plus d’espérance!
Du ciel c’est le courroux!
Après tant de souffrance
L’espoir fuit loin de nous.
Bruce
Quoi! renoncer à la vengeance,
Quand Robert Bruce est avec vous!
Les Écoissais
Sans toit, sans pain et sans patrie,
Errant, vaincus, proscrits,
La foi dans notre âme est taire,
Le ciel nous a maudits!
AIR
Bruce
Eh quoi! chez vous, la crainte!
Chez vous, l’effroi, la plainte!
La flamme est-elle éteinte
Déjà dans tout les cœurs
Brisés par les douleurs?
Jette sur leur souffrance
Un regard de clémence,
O divin protecteur!
Viens rendre à leur vaillance,
La force et la constance!
L’Écosse à ta puissance
Devra la gloire et la bonheur.
Un soldat
(signalant Douglas qu’il voit s’avancer)
Douglas!
Bruce
(avec joie)
Douglas!
Scène deuxième
Les précédents, Douglas, entrant avec quelques guerriers
Douglas
Prêts pour la guerre,
Nous voici tous!
Sous ta bannière,
Roi! guide-nous!
(Bruce serre la main de Douglas et le montre comme un exemple à ses soldats, qui, ranimés, s’écrient avec lui.)
Sous ta bannière
Roi! guide-nous.
ALLEGRO DE L’AIR
Bruce
Pour de nouveaux combats
Viens, peuple, armer ton bras!
Viens, las de tes revers
Briser tes fers!
J’entends, patrie,
Ta voix chérie;
Elle me crie:
Sois mon sauveur!
Ou martyr ou vainqueur!
Douglas
A ma chérie Marie, à ma fille, j’espère,
Mon message parviendra.
Une barque au château bientôt nous conduira;
Goûtons-y quelques jours un repos nécessaire.
Bruce
Et de l’Écosse après, relevons l’éntendard.
(On entend une fanfare dans la lointain.)
Douglas
Quel est ce bruit?
Les Écossais
Quel danger nous menace?
Ce sont eux! les Anglais!
Douglas
(écoutant)
Des fanfares de chasse!
Bruce
L’insolent Édouard!
Sa victoire l’enivre,
Au plaisir il se livre.
Douglas
Dispersons-nous, sans retard.
Vous, sire, attendez la nacelle
Avec moi, chez Dickson, un serviteur fidèle.
(aux Écoissais)
Vous, gagnez l’autre bord, dans peu nous y serons.
Bruce
Dieu vous garde! – A bientôt, mes nobles compagnons.
(Les partisans de Bruce se disperdent dans les rochers. Bruce et Douglas entrent dans la chaumière. Le bruit de la fanfare s’est rapproché de plus en plus.)
Scène troisième
Arthur, Morton et des chevaliers anglais
Les chevaliers
(applant avec inquiétude)
Lancastre! Lancastre! – où peut être
Le roi notre maître?
Loin de la chasse,
Perdre sa trace!
Par son audace
Nous désoler!
Seul, il s’élance,
Il nous devance,
Son imprudence
Nous fait trembler.
Pour notre maître,
Ah! craignons tout.
Bruce est peut-être
Encor debout.
Morton
Non, sa défaite
Fut trop complète
Pour son parti.
Quelques chevaliers
Par cette querre,
Il est, j’espère,
Anéanti.
Arthur
J’ai l’assurance
Que pour la France
Bruce est parti.
Tous
Au loin, sans doute,
Chasse Édouard;
Mais je redoute
Le montagnard.
Dieu, que je prie,
Garde le roi,
Sauve sa vie,
Vois notre effroi.
Que dans l’espace
Sonne le cor;
Nous, vite en chasse,
Chercherons encor!
(Morton s’éloigne avec les chevaliers)
Scène quatrième
Arthur, resté seul
Arthur
Marie! à ce doux nom comme mon cœur palpite!
Le voilà donc le château qu’elle habite!
Ce lac dont les échos redisaient autrefois
Ces chant d’amour où se mêlait ma voix!
Quand je combats pour le roi d’Angleterre,
Comblé de ses faveurs, par lui fait chevalier,
Marie, hélas! je ne suis pour ton père
Qu’un ennemi que tu dois oublier.
Esclave de l’honneur, mais à l’amour fidèle d’elle.
(il s’éloigne tristement)
(Un barque paraît sur le lac; elle porte Marie et Nelly. Elles abordent, Nelly entre dans la cabane de Dickson, sur un signe de Marie.)
Scène cinquième
Marie, seule
CAVATINE
Marie
Calme et pensive plage,
Beau lac, miroir des cieux,
Rocher, désert sauvage,
Témoin de nos adieux!
Tout ici me rappelle
Les jours de mon bonheur;
Rêve fidèle!
Bercez mon triste cœur!
Amour! ô sainte flamme!
Que Dieu davait bénir,
Croyance de mon âme,
Pourrais-je te bannir?
Tout ici me rappelle
Les jours de mon bonheur;
Rêve fidèle!
Bercez mon triste cœur!
Scène sixième
Marie, Arthur
Marie
(avec un élan de joie, à la vue d’Arthur)
Arthur!
Arthur
(avec amour)
Marie!
Marie
(à part, avec un effroi subit)
O ciel!
Arthur
Est-ce moi qui fais naître
Votre effroi?
Marie
(à part, inquiète)
Si mon père...
Arthur
Ah! cet accueil glacé...
Faut-il donc croire, hélas! ce qui m’est annoncé,
Qu’un autre hymen... un autre amour peut-etre!...
Marie
Et c’est vous qui doutez de moi,
Vous pour qui la main de Marie
Eut moins de prix que la faveur d’un roi!
Arthur
Non, j’obéis aux lois de la chevalerie.
Combattant par devoir dans les rangs des Anglais.
Marie
Vous rendez notre hymen impossible à jamais.
DUO
Arthur
Moi te perdre! arrêt funeste!
Seul au monde, hélas! je reste.
Marie
Vaine plainte! amor funeste!
Vains regrets! le deuil me reste.
Marie et Arthur
C’en est fait! le sort enlève
Tout espoir à notre amour.
De mon âme le doux rêve
M’abbandonne sans retour.
(Une cloche sonne au loin et l’on entend un chœur de jeunes filles.)
Chœur
A la prière
Viens ce matin,
Peuple; révère
Saint Valentin!
C’est lui qui donne
Les jours hereux,
Lui qui pardonne
Et prie aux cieux.
Marie
Entendez-vous?
Arthur
De la chapelle
C’est la cloche.
Marie
Je me rappelle...
Une fête... séparons-nous.
Arthur
Un seul instant daigne m’entendre!
Marie
Ici mon père doit se rendre...
Arthur
Par grâce!
Marie
Il pourrait nous surprendre.
Craignez son courroux,
Éloignez-vous! éloignez-vous.
Arthur
Fermer ton âme à ma prière!
De ta présence, hélas! toi me bannir!
Marie
Au nom du ciel! je crains mon père,
A chaque instant il peut venir.
Arthur
Sa haine désole ma vie.
Marie
C’est toi-même qui l’as flétrie!
L’espérance nous est ravie.
Arthur
Je ne puis vivre sans te voir.
Marie
L’amour doit céder au devoir.
ENSEMBLE
Marie
Va! d’un père,
Fuis la colère!
Tout sur la terre,
Oui, tout nous a menti.
A ma misère
Son âme altière
N’a jamais compati.
Arthur
Va! d’un père,
Crains la colère!
Tout sur la terre,
Oui, tout m’aura menti.
A ma misère
Son âme altière
N’a jamais compati.
Scène septième
Marie, Arthur, Douglas, Bruce, caché sous le tartan d’un montagnard.
Douglas
(sortant de la chaumière)
Ciel!
Bruce
(voyant Arthur)
Un anglais!
Douglas
Arthur!
(à Bruce)
Il ne vous connaît pas,
Sous le nom de Dickson, sire! suivez mes pas.
Arthur
(apercevant Douglas)
Douglas!
Marie
Mon père! ah! ce regard sévère
Sur moi peut tomber sans colère.
(montrant Arthur)
Le hasard seul l’a conduit en ce lieu.
Arthur
Pour entendre un dernier adieu.
Douglas
(à Arthur)
Elle t’amait; d’une heureuse alliance
J’avais longtemps moi-même approuvé l’espérance;
Mais tu viens de la voir pour la dernier fois.
Seul digne d’elle, au sein de sa patrie,
Un autre hymen attend Marie.
D’un autre époux pour elle j’ai fait choix.
Arthur
Mais d’Édouard, tout subit la puissance,
Et si Robert, par le nombre vaincu,
Avec la paix nous rendait l’espérance...
Douglas
Alors Douglas aurait vécu.
Marie
(à part)
Fatal honneur!
Douglas
Adieu! dis à ton maître
Que malgré nos revers, un jour... bientôt... peut-être,
An combat nous nous reverrons.
(à Bruce)
Et maintenant, Dickson, ta barque est là, partons.
(Bruce, Douglas et Marie montent dans la barque. Arthur fait quelques pas vers eux, puis s’éloigne avec désespoir. Nelly sort de la chaumière et suit des yeux la barque qui disparait. – On entend une ritournelle joyeuse. Nelly revient au-devant de Dickson, qui parait sur le seuil de la chaumière.)
Scène huitième
Nelly, Dickinson; jeunes filles et garçons du village.
Nelly
Ce sont les clans de la montagne.
Chaque amoureux vient avec sa compagne
Célébrer ce matin
La fête de saint Valentin.
Les jeunes filles
La danse nous appelle,
Accours, amant fidèle;
Voici ce jour si doux,
Si beau pour nous.
Des filles du village
Accepte ici l’hommage,
Grand saint, bénis nos jeux,
Reçois nos vœux!
Nelly
(à part)
D’où vient que la tristesse
Se mêle à mon ivresse?
Je songe à ma maîtresse,
Mon cœur n’est plus joyeux.
Dickson
(à part)
Laissons à la jeunesse,
Les courts instants d’ivresse:
Trop tôt vient la tristesse,
Enfant, soyez heureux.
Les jeunes filles
La danse nous appelle,
Accours, amant fidèle;
Voici ce jour si doux,
Si beau pour nous.
Dickson
Que l’on ouvre la danse.
Nelly
Avant qu’elle commence,
De la Saint-Valentin,
Avec moi, mes amis, répétez le refrain.
COUPLETS
I
Alerte, fillette!
Celui qui te guette
Dans l’ombre discrète,
Attend sa conquète.
Le jour vient de naître,
Cours à ta fenêtre,
Si tu veux connaître
L’amant
Le plus aimant.
II
Il faut, ô ma belle,
Pour d’autres rebelle,
Voiler ta prunelle,
Et rester fidèle.
Car cette journée
A lui t’a donnée;
Il est pour l’année
Enfin
Ton Valentin.
DANSES
Scène neuvième
Les précédents, le roi Édouard, Arthur et toute la chasse
Édouard
Pourquoi cesser vos jeux? porquoi soudain vous taire?
Édouard d’Angleterre
N’est pas l’ennemi du plaisir.
AIR
La gloire est belle,
Mais j’aime mieux qu’elle
L’ivresse du plaisir.
Oui, j’aime l’ivresse
Qu’excite sans cesse
La flamme du désir.
Un jour, si le trône
M’est ôté,
Je veux pour couronne,
Volupté! Le lys dont se blasonne
Le sein de la beauté.
Arthur
(à part)
Douglas a disparu, je tremble pour sa tête.
Édouard
Pour vous, mes chevaliers, cette nuit, grande fête
au château de Stirling, où je fixe ma cour.
Dickson
(à part)
L’Ecosse aura son tour.
Scène dixième
Les précédents, Morton
FINAL
Morton
Sire! Douglas le Noir, dont le château s’élève
Sur l’autre bord du lac...
Édouard
Douglas le Noir! achève!
Morton
Douglas était ici ce matin.
Nelly, Arthur et Dickson
(à part)
Juste Dieu!
Édouard
(aux Écossais)
Est-il vrai? Répondez ou craignez ma colère!
(Tous gardent le silence)
Si vous persistez à vous taire,
Les tortures sauront m’obtenir un aveu.
Morton
Parlez, race indocile.
Édouard
De l’or, de l’or, à qui livre Douglas!
Dickson
Chez nous le sang ne se vend pas.
Édouard
Eh bien! la mort à qui lui donne asile.
Les Écossais
Mon Dieu! tu nous protégeras.
Édouard et Morton
Ah! pour lui point de clémence!
S’il me brave en sa démence,
Mon épée et ma vengeance
Lui feront subir ma loi.
Nelly, Dickson et Arthur
O céleste Providence,
Fais qu’il trompe sa vengeance,
Et mon âme espère en toi!
Édouard
(à Arthur)
Va! que ton zèle
Nous délivre du rebelle,
Aux créneaux de sa tourelle,
Que le traître soit pendu!
Arthur
(à part)
Ordre funeste! hélas! Dans ce péril que faire?
Édouard
Arthur! point de merci! va! tu m’as entendu!
Les Anglais
La guerre! La guerre!
Arthur
(à part)
Marie! hélas! comment sauver ton père?
Si j’hesite il périra.
Morton
Ah! sa perte enfin s’apprête.
Édouard
(à Arthur)
Va, rapporte-moi sa tête,
Ou la tienne en répondra.
Arthur
Je tremble, hélas! quel arrêt sanguinaire!
Me choisir, moi! pour servir sa colère!
Ah! prends pitié, mon Dieu! de ma misère!
Pauvre Marie!
Sur ta tête chérie
Je vois la mort.
Édouard
Mon bras sur toi va lancer le tonerre;
Le fer, le feu, les bourreaux et la guerre,
Tout va servir encore à ma colère.
Dans ma main j’ai ton sort,
Race maudite,
De qui l’orgueil m’irrite!
Á toi la mort!
Nelly, Dickson et les Écossais
Mon Dieu! punis l’oppresseur sanguinaire!
Ah! fais gronder sur son front le tonnerre!
De l’Écossais, mon Dieu, vois la misère;
Prends pitié de son sort.
Vois ses alarmes,
D’un peuple vois les larmes!
Veux-tu sa mort?
Morton et les Anglais
Du roi le bras va lancer le tonnerre.
Sur eux fondront tous les maux de la guerre.
Rien ne pourra désarmer sa colère.
Du vaincu c’est Le sort!
A lui les larmes!
Qu’il redoute nos armes;
A lui la mort!
Atto Secondo
Une salle dans le château de Douglas. Sur une table se trouvent un manteau et un casque surmonté d’une branche de chène.
Scène primière
Marie est assise, plongée dans la tristesse; Douglas sort d’un appartement latéral.
RÉCITATIF ET AIR
Douglas
Le roi sommeille. Allons lui chercher des vengeur...
(il aperçoit Marie et s’approche d’elle)
Je vais de notre cause armer les défenseurs,
Marie, en mon absence,
Je te laisse le soin de veiller sur le roi.
Tu pleures!.. Et c’est moi
Qui causes ta souffrance!
Mais il le faut. Puis-je donner ta main
A l’ingrat qui combat pour le roi d’Angleterre,
A celui qui demain
Peut verser le sang de ton père?
Que ton cœur,
O ma fille! pardonne
La douleur
Que ton père te donne!
C’est l’honneur
Qui prescrit ma rigueur.
Au combat quand son roi le rappelle,
Tout soldat doit s’attendre à mourir.
Au devoir, mon enfant, sois fidèle;
Que je puisse en partant te bénir.
(Douglas sort, après avoir embrassé Marie)
Scène deuxième
Marie, seule
Marie
Oh! noble père! oui, de l’honneur
C’est le langage;
Lui-même il pleur en parlant de courage.
Pour le malheur,
Ah! j’étais née.
Quand la vicitme est condamnée,
Quelle espérance, au fond de ma douleur,
Aux pleurs que je dévore,
Se mêle encore?
AIR
Amour, ô chaste flamme!
Brûle en secret mon âme.
Arthur! je t’aime! à toi, mon cœur, mes jours.
Il faut, ô mon idole!
Que mon amour s’immole;
Mais mon âme vers toi s’envole
Et suivra toujours.
Dans la tristesse et les alarmes,
Même à son père, hélas! cacher ses larmes!
Pauvre Marie,
Voilà ta vie,
Sitôt flétrie
Par les regrets.
A ma souffrance plus de trêve,
Si Dieu m’enlève
Mon bien-aimé.
Pleur es silence,
Cœur sans défense,
A l’esperance
Sitôt fermé.
Scène troisième
Marie, Nelly
Nelly
(accourant avec effroi)
Les Anglais!
Marie
Ciel!
Nelly
Ils cernent le château!
Ah! comment échapper à ce péril nouveau?
Marie
Et mon père?
Nelly
Silence! et reprenez courage.
Il a déjà gagné l’autre rivage.
Marie
Merci, mon Dieu! Mais le roi! mais le roi!..
Nelly
Peine de mort qui veut le soustraire
Au sort que lui réserve Édouard d’Angleterre.
Personne n’oserait...
Marie
Viens! je l’oserai, moi!
(elle se dirige vers l’appartement du roi)
(Des soldats anglais paraissent dans la galerie du fond.)
Nelly
(arrêtant Marie)
Trop tard!
(Les Anglais, sur l’ordre d’Arthur qui les accompagne, poursuivent leur marche dans la galerie. Arthur entre.)
Scène quatrième
Marie, Nelly, Arthur
Marie
Arthur!
Arthur
Marie! avec colère
Pourquoi me regarder ainsi?
S’il n’eût fallu sauver les jours de votre père,
Vous ne me verriez pas ici.
Marie
Se peut-il?
Arthur
Oui, Douglas verra comment se venge
Celui qu’il outragea. Conduisez-moi vers lui.
Marie
(avec embarras)
Vers lui?..
Arthur
Vous hésitez...
Marie
Ce généraux appui...
Arthur
Le refuserait-il?
Marie
Et son erreur étrange,
Peut-être, par fierté...
Arthur
Seule avec lord Douglas quittez donc ce domaine.
- Je ne le verrai pas. – La barque qui m’amène
l’autre bord du lac l’aura bientôt porté.
Moi, d’un autre côté
De Morton qui me suit je tromperai la haine.
Marie
Soyez béni!
(avec tristesse)
Et quand j’aurai sauvé
Grâce à vous, ce proscrit dont la vie est si chère,
Instruit par moi, mon père
Saura ce que pour nous sir Arthur a bravé.
(Arthur sort)
Scène cinquième
Marie, Nelly puis Bruce
Nelly
Ce moyen de salut qu’il vous donne lui-même...
Marie
(vivement)
Nelly veille au dehors.
Nelly
Le péril est extrême.
(Nelly s’eloigne)
(Marie se précipite vers l’appartement du roi. Bruce paraît.)
Marie
Venez, sire, apprenez...
Bruce
Je sais tout.
Marie
Trompant celui que j’aime,
Je sauverai le roi.
DUO
Bruce
Ah! sois fier de ta fille!
Douglas, c’est ta famille
Dont le noble secours
Sauva deux fois mes jours.
A toi je songe, ô ma patrie!
O mon pays, mon Écosse chérie!
Que Dieu protége ici ton roi;
Je veux combattre encour pour toi.
Marie
Ah! sire, par grâce,
Fuyez, l’heure passe.
D’effroi mon sang se glace,
Les moments sont comptés,
Partez, hélas! partez.
Heure d’angoisse, heure suprême!
Je réponds de votre sort.
Ah! pour mon père, ah! pour moi, pour vous-même,
Partez. – Bientôt ici sera la mort.
Venez!
Bruce
Que moi j’expose
Vos jours!
Marie
Pour votre cause
Que le ciel en dispose!
Oui, pour vous sauver,
Je veux tout braver.
Je dois, faible femme,
Veiller sur vos jours,
Oui, je bannis tout effroi de mon âme,
L’audace m’exalte et m’enflamme.
Que le ciel me prête secours.
Bruce
Adieu, noble femme!
Au fond de mon âme
Se grave à jamais ton secours.
Mon Dieu! c’est la faveur que de toi je réclame,
Bénis la main qui sauve ici mes jours.
Marie
(avec angoisse)
Partez, le temps presse,
Quittez ce château.
Bruce
Robert! fuir sans cesse!
Funeste détresse!
Marie
(offrant à Bruce un manteau qu’elle a pris sur la table)
Prenez ce manteau!
Bruce
O mon Dieu, je t’implore,
Que je meure en soldat!
Jusqu’au jour du combat
Laisse-moi vivre encore.
(il s’enveloppe dans le manteau)
Marie
Je dois, faible femme,
Veiller sur vos jours.
Oui, je bannis tout effroi de mon âme
L’audace m’exalte et m’enflamme,
Que le ciel me prête secours!
Bruce
Adieu, noble femme!
Au fond de mon âme
Se grave à jamais ton secours.
Mon Dieu! c’est la faveur que de toi je réclame,
Bénis la main qui sauve ici mes jours.
(Bruce et Marie se dirigent vers la porte du fond; au moment où ils vont sorti, Arthur paraît; il est pâle et tremblant d’émotion)
Scène sixième
Bruce, Marie, Arthur
Marie
Arthur!
Arthur
(à part)
On ne m’abusait pas.
(après un long silence, pendant lequel il tient constamment les yeux attachés sur Marie)
Quand j’exposais mes jours pour sauver votre père,
Il était déjà loin, Vous le saviez!
Marie
(à part)
Hélas!
Que lui dire?
Arthur
Pourquoi m’en avoir fait mystère?
Qui vouliez-vous sauver? – Vous ne répondez pas!
TRIO
Bruce
Jour funeste! mon Dieu! j’appelle
Les dangers et la mort sur elle.
Hélas! je perds qui m’est fidèle,
Je l’entraîne dans mon malheur.
Arthur
Jour funeste! qui me révèle
De son âme l’ardeur nouvelle.
Oui, son crime se décèle
Dans sa pâleur.
Marie
Jour funeste! tout se révèle,
De fureur son œil étincelle.
ah! je succombe, je chancelle,
Son regards me fait peur.
Arthur
Vous me tromper! dans quel espoir?
Marie
Pour accomplir un saint devoir.
Arthur
Oui, je comprends, je divine,
Cet époux qu’on vous destine,
Ce rival odieux,
(monstrant Robert)
C’est lui!
Marie
Ciel! n’allez pas...
Arthur
Tout le dit, sa présence,
Votre effroi, son silence
Et ces tendres adieux
Que j’ai surpris...
Marie
Arthur! ma voix qui vous supplie
Doit bannir votre erreur.
Arthur
Amour! ô jalousie!
Vous déchirez mon cœur.
(à Robert)
Suis-moi, j’aurai ta vie.
Ou ton sang ou le mien!
Bruce
Un seul instant..
Arthur
Non, je n’écoute rien.
Bruce
(montrant Marie)
Pour moi sa bienfaisance...
Arthur
(avec une fureur toujours croissante)
Viens, viens, ou sa présence
N’arrête plus mon bras,
Je te frappe à ses yeux!
Marie
(saisissant un poignard au ceinturon d’Arthur, et se jetant devant Bruce comme pour lui faire un rempart de son corps.)
(à Arthur)
Ne m’écoutez donc pas.
N’obéissez qu’à la colère;
Mais par les mânes de ma mère,
Par ce Dieu que j’aime et révère,
Vers lui si vous faites un pas...
(avec énergie)
Vous aurez voulu mon trépas.
Arthur
(avec déspoir)
Oh! ciel! vous l’aimez donc!
(Un silence, après lequel Arthur reprend avec un calme douloureux)
Eh bien!
Votre bonheur, Marie, est au-dessus du mien.
Si ce rival, qui tombe en ma puissance,
Remplace en votre cœur l’ami de votre enfance,
De la mort votre amour saura la préserver.
Que dois-je faire? – Un seul mot...
Marie
Le sauver!
Arthur
Enfin, de ton amour ce mot contient l’aveu!
Bruce
Elle se perd pour moi! plutôt mourir, mon Dieu!
Arthur
(éclatant)
Dieu te maudisse!
Qu’il te punisse!
Bruce
O dévoûment! ô sacrifice!
Arthur
Je te fuis, dès ce jour,
Je te fuis sans retour,
Mais pour mourir de mon amour.
Bruce
Noble fille! à mon tour.
Plutôt perdre le jour,
Car tu mourrais de ton amour.
Marie
S’il me fuit sans retour,
Mon tombeau quelque jour
Lui parlera de mon amour.
Arthur
Briser ce cœur qui vous adore!
Bruce
(à part)
Je dois me taire, affreux combats!
Arthur
Et ce matin vous me juriez encore...
Vous mentiez donc?..
Marie
Ne m’interrogez pas.
Arthur
Dieu te maudisse!
Qu’il te punisse!
Je te fuis, dès ce jour,
Je te fuis sans retour,
Mais pour mourir de mon amour.
Bruce
Vain sacrifice!
Que je périsse!
Noble fille! à mon tour,
Plutôt perdre le jour,
Car tu mourrais de ton amour.
Marie
Qu’il s’accomplisse
Mon sacrifice!
S’il me fuit sans retour,
Mon tombeau quelque jour
Lui parlera de mon amour.
Arthur
Ingrate, adieu!
Bruce
Restez.
Marie
Qu’allez-vous faire?
Bruce
La mort, je la préfere,
Non, je n’accepte pas un pareil dévoument.
(à Arthur)
Disparaisse l’amant!
Je suis le roi proscrit!
Arthur
Qu’entends-je!
Vous, Robert!
Bruce
(montrant Marie)
Je la venge
De vous soupçons.
Arthur
Et moi
Qui l’outrageais!
(à Marie)
Pardon!
Bruce
(à Arthur)
Maintenant de ma tête.
Vous pouvez disposer.
Arthur
Sire! la barque est prête,
Partez!
Marie
(avec joie)
Ah!
Scène septième
Les précédents, Morton, avec des soldats anglais.
Morton
(apercevant Bruce, qu’il reconnait)
Robert Bruce!
Marie
Oh! ciel!
Morton
Au nom du roi,
Robert, je vous arrête.
Arthur
Robert en liberté
S’éloignera d’ici.
Morton
Le laisser...
Arthur
Je l’ordonne.
Oui, dans sa loyauté,
A mon honneur il s’abbandonne;
Il sera respecté.
Morton
Saisisser-le, soldats,
A moi.
Arthur
N’approchez pas.
Morton
Quand d’Édouard, par vous, l’espérance est trompée,
Je ne reconnais plus sur moi votre pouvoir.
Arthur
(il se place devant Bruce l’épée à la main)
Tu connaîtras du moins celui de mon épée.
Bruce
(tirant son épée)
Je vendrai cher ma vie!
(Ils sont près d’en venir aux mains, des trompettes résonnent au loin.)
Marie
Écoutez.
Bruce
Quel espoir!
Cette marche guerriére...
Marie
(avec transport)
C’est Douglas! c’est mon père!
Bruce
Encor Douglas le noir!
Les anglais
Votre salut est dans la fuite.
Morton
Mais Édouard saura l’indigne trahison.
Arthur
A mon roi, de ma conduite
Je rendrai toujours raison.
Morton et Les anglais
Bientôt d’un traître
Qu’il va connaître
Le roi ton maître
Aura raison
Il punira la trahison.
(Morton sort précipitamment avec ses soldats)
Scène huitième
Bruce, Arthur, Marie; Douglas entrant suivi de plusieurs chefs de clans
Douglas
(avec joie, apercevant Robert)
Sauvé!
Bruce
(montrant Arthur)
Par lui!
Douglas
Par lui!
(tendent la main à Arthur)
Ta main! – Avec nous reste,
Et ma fille est à toi.
Arthur
(avec transport)
Moi l’époux de Marie! –
(tristement)
Ah! ce bonheur céleste,
Il n’est pas fait pour moi,
Non, je ne puis...
Marie
Espérance dernière!
Arthur
Armè par Édouard, des ses bienfaits comblé,
Je ne puis le trahir.
Marie
Il part.
Arthur
Sous sa banniére,
Par l’homme je suis rappelé.
Bruce
Ah! pour m’avoir sauvé crains tout de sa furie!
Marie
(à part, épouvantée)
Que dit-il? Si la mort!..
Arthur
Regretté d’un héros, d’un père, de Marie,
Je puis braver le sort.
Bruce
Pars donc, puisqu’un serment t’enchaîne;
Mais que du moins dans les combats,
Le fer de l’un de nous ne te rencontre pas.
(détachant la branche de chêne du casque déposé sur la table)
Sur ton cimier placé, que ce rameau de chêne,
Talisman respecté, te sauve de nos coups,
Il te rendra sacré pour nous.
(après avoir remis la branche de chêne à Arthur qui s’incline)
FINAL
La guerre sans trêve
A notre oppresseur,
Mais tombe la glaive
Devant mon sauveur.
Arthur
O fleur de ma vie,
Que Dieu m’a ravie,
Ma chère Marie,
Reçois mon adieu.
Marie
Pars; mais si la vie
Doit t’être ravie,
Avec toi Marie
S’envole vers Dieu.
Bruce, Douglas et Les chefs de clan
Qu’il parte! mais puisse
Son roi pardonner
Le noble service
Qu’il doit condamner.
Arthur
O fleur de ma vie,
Que Dieu m’a ravie,
Ma chère Marie,
Reçois mon triste adieu.
Marie
Pars; mais si la vie
Doit t’être ravie,
Avec toi Marie
S’envole vers Dieu.
(Arthur sort)
Douglas
Vous, sire montrez-vous, pour recevoir la foi
Des clans prêts à venger notre Écosse opprimée,
Prêts à mourir pour leur roi.
Bruce
Ai-je encor un soldat?
Douglas
Vous avez une armée.
(Ils sortent)
Le théâtre représente un site voisin du château de Douglas. Les rochers en amphitéâtre sont couverts de soldats et de highlanders armés de haches et de piques et portant des bannières aux couleurs et aux armes des divers clans. Un groupe de bardes guerriers vêtus de blanc, cuirassés de mailles de fer, la hache pendure à la ceinture, et le front ceint de chêne et de verveine, s’avance, tenant à la main des harpes d’or.
Scène neuvième
Bards guerriers, montagnards, Nelly, femmes écossaises; plus tard Bruce, Douglas et Marie
Les Bardes
Que l’hymne du barde
Enflamme ton cœur!
Fingal te regarde,
Guerrier, sois vainqueur!
Saisis te claymore,
Combats avec foi,
Guerrier, verse encore
Ton sang pour ton roi.
Que l’hymne du barde
Enflamme ton cœur!
Fingal te regarde,
Guerrier, sois vainqueur!
Les femmes
Sauvez vos compagnes
Du fer de l’Anglais.
Que dans nos montagnes
Renaisse la paix!
Les bardes et les femmes
Saisis te claymore,
Combats avec foi,
Guerrier, verse encore
Ton sang pour ton roi.
(Bruce entre accompagné de Douglas et de Marie et suivi des chevaliers écossais en costume de guerre; les bannières s’agitent; mouvement général d’enthousiasme.)
Bruce
Amis! gloire, hommage,
Au noble courage
D’un peuple indompté...
Tous
Salut! gloire! hommage
Au roi d’Écosse, au guerrier redouté.
Douglas
Montrons-nous encore
Dignes enfants des nos aïeux.
Bruce
Pour nous luit l’aurore
D’un jour glorieux.
Mon espoir en vous réside:
Suivez-moi, peuple intrépide,
Aux combats mon bras
Vous guide;
La victoire ou le trépas!
Les guerriers
Noire espoir en lui réside,
Aux combats son bras nous guide
La victoire ou le trépas!
Les femmes
Sauvez vos compagnes
Du fer de l’Anglais;
Que dans nos montagnes
Renaisse la paix!
Les bardes
Que l’hymne du barde
Enflamme ton cœur!
Fingal te regarde,
Guerrier, sois vainqueur!
(Tableaux général. L’armée écoissaise agite ses armes et mêle son cri de guerre au chant des bardes. Les chevaliers et les seigneurs bannerets tirent leurs épées et jurent de mourir pour le roi d’Écosse.)
Atto Terzo
Une gorge de montagne étroite et sombre dominée par le châteu de Stirling, bâti sur un rocher à pic. Il fait nuit.
Scène première
Bruce seul
Bruce
Oui, demain l’Écossais, libre, essuyant ses pleurs,
Au sein de sa famille oubliera ses malheurs,
Moi je fus père aussi! quel souvenir funeste!
Mes enfants! les bourreaux les ont tout égorgés!
O vous que j’ai perdus, quand vous serez vengés,
Nous retrouverons dans le séjour céleste!
ROMANCE
Anges sur moi penchés,
Dieu joint les cœurs fidèles!
Ombres qui me cherchez,
Pliez vos ailes!
Mes doux trésors cachés
Au sein des nuits mortelles,
Vos pleurs seront séchés
Par les mains paternelles.
Ombres qui me cherchez,
Pliez vos ailes!
Scène deuxième
Bruce, Douglas, Dickson, une troupe de zingari et de jongleurs.
Douglas
(à Bruce, lui montrant au pied des remparts l’entrée d’un souterrain cachée par un rocher)
Cette route souterraine,
A la porte du Nord vous conduira sans peine.
Parmi ces bohémiens dans la place introduit,
Dickson, par force ou par adresse,
Nous y fera pénétrer cette nuit.
Bruce
Au péril de ses jours.
Dickson
Qu’importe!
Douglas
A minuit.
Dickson
A minuit.
Bruce
Que veux-tu pour signal?
Douglas
Que ce chêne embrasé nous serve de fanal.
(Dickson s’éloigne avec les bohémiens)
Scène troisième
Bruce, Douglas, chevaliers, montagnards et soldats écoissais
Les chevaliers et les montagnards
Point de bruit,
Armons-nous en silence.
Cette nuit
Nous promet la vengeance.
Le pur sang
De nos fils coule encore,
Bénissant
Les vengeurs qu’il implore.
Le flambeau
De la mort nous éclaire;
Au bourreau
Qui t’apporte la guerre,
Noble terre,
Ouvre enfin un tombeau!
(Pendant ce chœur, plusiers troupes de soldat écoissais passent en silence au pied du roc sur lequel s’élève le château. Bruce leur indique les différentes directions qu’ils doivent prendre, puis il sort avec Douglas, à la tête des chevaliers et des montagnards.)
Le théâtre représente une salle construite pour la fête dans la cour d’armes du château de Stirling.
Scène quatrième
Le roi d’Édouard et ses chevaliers s’avancent, la coupe à la main; des pages leur versent à boire. Des dames de la cour sont assises
et regardent la danse des bohémiens appelés à la fête, et parmi lesquels Dickson s’est introduit.
Le fond de la salle est fermé dans toute sa largeur par une riche draperie armoriée.
Les chevaliers
Bouvons, bouvons, il faut saisir,
Amis, les heures du plaisir;
L’ivresse
Caresse,
Ranime le désir.
Fêtons l’amour, chantons en chœur,
Du vin versé que la liqueur
Ecume
Et fume
Aux coupes du vainqueur!
Palais brumeux, nuages
Où Fingal dort au ciel,
A nous vos doux breuvages
De nectar et de miel!
Édouard
J’abdique ici; jusqu’à l’aurore,
Le plaisir seul est roi.
Que la beauté soumette encore
Les vainqueurs à sa loi!
Lorsque la guerre prend nos jours,
Gardons les nuits pour les amours!
Les chevaliers
Bouvons, bouvons, il faut saisir,
Amis, les heures du plaisir;
L’ivresse
Caresse,
Ranime le désir.
Fêtons l’amour, chantons en chœur,
Du vin versé que la liqueur
Ecume
Et fume
Aux coupes du vainqueur!
BALLET
Scène cinquième
Les précédents, Morton, puis Arthur
Morton
(interrompant les danses)
Sire! les Écoissais partout prennet les armes.
Tous
(excepté Édouard)
Les Écoissais!
Édouard
Pourqoui ce cri d’alarmes?
De les vaincre demain il sera temps encor.
Emplissez d’hydromel, pages, nos coupes d’or.
Morton
Du château de Douglas, je m’etais rendu maître...
Édouard
Eh bien?
Morton
Robert Bruce, peut-être,
En mon pouvoir serait tombé.
Tous
Robert Bruce!
Morton
Oui, mais un traître
A nos mains l’a dérobé.
Édouard
Ah! qui donc l’a sauvé?
Arthur
(paraissant)
C’est moi!
Édouard
Toi! misérable!
Arthur
Il était sans défense, innocent ou coupable.
Je ne l’ai pas livré, mais je tiens mon serment,
Et reviens ici vaincre ou mourir à mon rang.
Édouard
Ou, tu mourras, mais non d’une mort qu’on envie
Qu’on le désarme!
(Un officier des gardes s’avance auprès d’Arthur, qui tire son épée pour la lui remettre.)
A moi!
(prenant l’épée)
Je t’avais confié
Cette épée aujourd’hui par ton crime avilie...
Le bourreau brisera ton blason et ta vie.
Comme je brise ici ton honneur sous mon pié.
(il brise l’épée et la jette à terre)
Les chevaliers
Du traître qu’il soit fait justice!
Édouard
Que sous la hache à l’instant il périsse!
(Les gardes s’avancent; au milieu du mouvement, un cri se fait entendre, une femme perce la foule; c’est Marie.)
Scène sixième
Les précédents, Marie, Nelly
Marie
Arrêtez!
Arthur
Ah!
Marie
C’est moi,
Moi qui suis sa complice!
(à Arthur)
N’avais-je pas juré de mourir avec toi?
SEXTUOR
Puisqu’un destin barbare
A jamais nous sépare,
La mort qui se prépare
A toi saura m’unir.
Arthur
(au roi)
D’un dévoument sublime
Ne la rends pas victime!
Sa mort serait un crime,
C’est moi qu’il faut punir.
Nelly
Ciel! tout mon cœur frissonne!
La mort les environne.
Ah! que le roi pardonne,
Il se fera bénir.
Édouard
Ah! ma vengeance est belle!
Tremble! Douglas rebelle!
Mon bras tombant sur elle,
C’est toi qu’il va punir.
Qu’à la mort on le conduise!
Et qu’à jamais son nom soit en horreur.
Son blason, qu’on le détruise,
Oui, sur l’infame il faut le déshonneur.
Marie
Le deshonneur!
Viens! barbare, prends sa vie
Prends la mienne, sers ta fureur!
Mais la honte, mais l’infamie
Est au lâche, à l’oppresseur!
A frapper ton bras s’apprête,
Mais redoute la tempête,
Je l’appelle sur ta tête!
Oui, sur toi honte et malheur!
Tous
Justice! justice!
Marie
Je brave le supplice,
Arthur est près de moi,
Le ciel dans sa justice
Nous vengera sur toi.
Édouard
Courez! qu’un prompt supplice
Soldats! fasse justice,
Au traître, à sa complice,
La mort! – Vengez le roi.
Arthur
Mon Dieu! que s’accomplisse
L’arrêt de mon supplice,
Mais seul que je périsse;
Oui, ne frappez que moi.
(Les soldats entraînent Arthur. Marie se précipite dans ses bras. Des trompettes résomnent au dehors.)
Morton
Les Écoissais!
Marie
(à Édouard)
Tremble à ton tour, bourreau!
C’est le signal! Robert est maître du château.
Édouard
Robert! vaines alarmes!
Nous le vaincrons ici.
Aux armes!
Marie
Trop tard! le voici!
(Le draperie du fond s’ouvre, et l’on aperçoit le rempart de la forteresse éclairée par un incendie.)
Scène septième
Les assiégeants montent aux créneaux. Morton apporte au roi un épée, les chevaliers cherchent leurs armes, les femmes courent avec effroi.
La porte de la muraille tombe sous la hache des assaillants, qui font irruption au milieu du tumulte.
Bruce et Douglas entrent l’épée à la main, suivis par les bardes et les chevaliers écoissais portant des bannières.
Les murs se couvrent de soldats et de montagnards avec des flambeaux. Marie tombe dans les bras de son père.
Bruce
Victoire!
Quelques soldats écoissais
(montrant Édouard)
Mort au bourreau!
Arthur
(se jette entre les soldats, et le roi, étendant la branche de chêne que Bruce lui a donnée comme un talisman)
Respectez ce rameau!
Bruce
(à Édouard)
Du roi d’Écosse enfin reconnais la puissance.
Édouard
Perdu par ma témerité!
Bruce
Écosse, à toi l’indépendance!
Marie
A Robert l’immortalité!
Tous
A Robert l’immortalité!
Choeur général. Reprise du chant des bardes.
Fine
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