TESTO DEL LIED
"Adieux"di Henri de Régnier (1864-1936)
Il est de doux adieux au seuil des portes
Lèvres à lèvres pour une heure ou pour un jour;
Le vent emporte le bruit des pas
Qui s'éloignent de la demeure,
Le vent rapporte le bruit des pas du bon retour;
Les voici qui montent les marches
De l'escalier de pierre blanche;
Les voici qui s'approchent.
Tu marches le long du corridor ou frôle
Au mur de chaux le coude de ta manche
Ou ton épaule;
Et tu t'arrêtes, je te sens
Derrière la porte fermée;
Ton coeur bat vite et tu respires
Et je t'entends
Et j'ouvre vite à ton sourire
La porte prompte, ô bien aimée!
Il est de longs adieux au bord des mers
Par de lourds soirs où l'on étouffe;
Les phares tournent déjà dans le crépuscule;
Les feux sont clairs. On souffre.
La vague vient, déferle, écume et se recule
Et bat la coque de bois et de fer.
Et les mains sont lentes dans l'ombre,
A se quitter et se reprennent.
Le reflet rouge des lanternes
Farde un présage en sang aux faces incertaines
De ceux qui se disent adieu aux quais des mers
Comme à la croix de carrefours
Comme au tournant des routes qui fuient
Sous le soleil ou sur la pluie
Comme à l'angle des murs où l'on s'appuie,
Ivre de tristesse et d'amour;
En regardant ses mains pour longtemps désunies
On pour toujours.
Il est d'autres adieux encore
Que l'on échange à voix plus basse
Ou, face à face, anxieusement,
Vie et Mort, Vous vous baisez
Debout dans l'ombre bouche à bouche
Comme pour mieux sceller encore
Dans le temps et l'éternité
Lèvre à lèvre et de souffle à souffle
Votre double fraternité.